A Clear and Present Danger
by Paule Libby
Ce qui se passe aujourd’hui en France, dans les banlieues, ne tombe pas du ciel ! C’est le résultat de 30 ans (depuis les années 70/80) d’une politique d’intégration qui devait être un « modèle » mais qui était plutot, dès le départ, une bombe à retardement. Pour intégrer véritablement la seconde ou troisième génération d’immigrés, pour la plupart d’Afrique du nord mais aussi d’Afrique noire, il aurait fallu dans les faits appliquer les grands principes républicains « Liberté, Egalité, Fraternité » à ces populations. Or, on a vu croître depuis ces années, sournoisement mais surement, le gouffre entre ce qu’il faut bien appeler les ghettos de la grande banlieue et le reste de la France. Celui qui a déjà mis les pieds dans une banlieue de ce type comprendra aisément que l’urbanisme est une des causes du grand malaise qui s’est développé peu à peu : des cages à lapins, sans aucune infrastructure sociale, des zones de non-droit recroquevillées sur elles-memes. Avec l’urbanisme catastrophique, il s’est développé aussi une économie souterraine, mafieuse, face à laquelle les gouvernements successifs sont restés volontairement passifs ou impuissants. Le laxisme ambiant a souvent servi de prétexte à ne pas mettre à jour les problèmes plus profonds d’une population laissée pour compte. Dans le ghetto, quel avenir ? Aucun : des parents impuissants, économiquement très faibles, des enfants laissés à l’abandon. Et puis, les écoles ! Parlons-en ! Dans les zones dites « difficiles », cela fait plus de 30 ans qu’on envoit des profs, la plupart du temps les plus jeunes d’entre eux, qui ne peuvent simplement pas exercer leur boulot : des classes constituées à 90 pour cent d’immigrés, en révolte permanente, qui n’en ont strictement rien à faire de la grammaire ou de la philosophie. Ils sont souvent insultants, agressifs et ne voient qu’une seule chose : ils sont des exclus auxquels la société française refusera une véritable intégration, c-à-d. une intégration professionnelle. Alors, pour beaucoup, il est plus facile de devenir délinquant, d’entrer dans le système mafieux, dès 14 , 15 ans ! À ceci est venu se greffer une crise identitaire, exarcerbée par les attentats du 11 septembre, la guerre de Bush contre le Mal, l’islamophobie ambiante, puis l’histoire du voile. Le manque de repères véritables, le manque d’éducation, le sentiment d’exclusion et d’inégalité forment alors un cocktail explosif ! Le chant des sirènes d’un certain nombre d’imams peu orthodoxes a fait le reste. Dans ce contexte, il a fallu une étincelle pour que tout bascule. Et là, il faut dire une chose très clairement: Sarkozy porte une très grande responsabilité dans ce domaine. En tant que représentant politique, on ne peut pas parler de « racaille », de « karcher », de « nettoyage » comme il l’a fait ! Car il faut faire selon moi, une différence très nette entre les délinquants qui sont à l’oeuvre aujourd’hui et beaucoup de jeunes des cités qui se battent aussi pour leur survie et qui se sont sentis violemment agressés par ces paroles. Un amalgame très dangereux qui n’a fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. Autre chose : je parlais hier au téléphone avec un ami de mon père, un ancien préfet de police : il me disait qu’avec Sarkozy, une nouvelle génération de policiers a « vu le jour » : extrêmement « musclés », racistes et violents, le mot d’ordre étant « repression, repression, repression » ! Ils sont en moyenne jeunes, inexpérimentés, menés aussi par la peur. Ceci n’explique pas selon moi, la façon dont ils s’adressent aux jeunes. Exemple : passage tiré du Monde : Samir, de Clichy-sous-Bois, n’en peut plus de ces contrôles systématiques, toujours à deux doigts de déraper. « Je courais pour ne pas prendre de lacrymogènes, et lorsque je leur ai dit que j’étais médiateur de la mairie, leur réponse a été : « Ta gueule, t’as rien à dire. » On m’a mis par terre. On m’a fouillé. À aucun moment, on ne m’a demandé mes papiers. » Mohammed : « Les flics de la BAC, ils cherchent toujours le rapport de force. Ils disent « bougnoules », « nique ta race ». La police d’ici, c’est une nouvelle génération. Pour un simple contrôle d’identité, ils t’insultent, au quotidien. [...] Les flics m’ont dit : « Pourquoi tu restes pas dans ta poubelle ? » Les intentions de Sarko ? Elles sont claires ! Faire le jeu de Le Pen pour gagner les élections de 2007 , tout simplement ! D’un coté, il est d’un populisme incroyable : c’est lui par exemple qui veut autoriser les étrangers à voter aux communales, c’est lui qui parle de discrimination positive (c-à-d. un quota qui obligerait les entreprises à embaucher des jeunes issus de l’immigration), c’est lui qui dit : « il faut que les musulmans de France aient leurs mosquées et puissent vivre leur foi en toute liberté », c’est lui qui déclare qu’il faudrait changer la loi sur la laïcité, etc. D’un autre coté, dans les faits, on a choisi la manière forte. Face à cela, comment réagit la plupart des Français ? Beaucoup sont d’accord avec la méthode Sarko. Quand on a travaillé plus de 15 ans dans son magasin de coiffure, comme cet homme montré hier soir au journal TV et que ce magasin est parti en fumée, en une nuit, il y a de quoi ressentir de la haine pour « ces petits voyous » comme il disait ! Petit à petit, la haine des deux côtés fait son chemin. Il serait pourtant grand temps que la France et son gouvernement revoient en profondeur leur politique d’intégration. L’intégration doit passer par une égalité réelle des chances, aussi bien à l’école que dans l’entreprise. L’intégration doit passer par la création d’espaces de vie dignes de ce nom. L’intégration doit passer par l’acceptation d’une culture et d’une société mixte et diversifiée. L’intégration doit s’incrire dans des actes concrets et non dans des paroles en l’air comme on le fait depuis 30 ans. C’est la République dans son entier qui est actuellement en danger. Le fait de brûler des voitures, des écoles, des lieux de consommation n’est pas anodin. Ce sont exactement les symboles de richesse, de reconnaissance, d’accès à l’intégration qui sont brûlés. La répression ne suffira donc pas. Il faudra investir de l’argent, beaucoup d’argent dans l’intégration et il faudra dialoguer, car ces jeunes, ce sont eux la France aussi. Et à moins de les exterminer, il faudra apprendre à vivre avec eux, d’une façon républicaine et responsable ! Paule Libby |
The events in the suburbs of France don’t come out of the blue! They are the result of thirty years (since the 1970’s and 80’s) of an integration policy that was supposed to be a “model” but was instead a time bomb from the very beginning. To truly integrate the second or third generation of immigrants, who are mostly from North Africa but also from sub-Saharan Africa, the grand principles of the Republic ought to have been applied to these people: Liberté, Égalité, Fraternité. Since the 1970's, the gulf has grown slowly but surely between what must be called the ghettos of the big suburbs and the rest of France. Anyone who has ventured into a suburb of that kind will easily understand that urbanism is one of the causes of the great malaise that has gradually developed: rabbit warrens with no social infratructure, zones of deprivation that are turned in on themselves. Catastrophic city planning has been accompanied by a gang-based underground economy against which one administration after another has been deliberately passive or powerless. This prevailing laxity has often served as a pretext for not facing up to the deepest problems of a population left to fend for itself. What future is there in the ghetto? None: parents are helpless, economically very weak, and children are abandoned. And the schools, that's something to talk about! For thirty years teachers have been sent to the so-called “difficult” zones; they are mostly the youngest, and they simply cannot do their job. The classes are 90 percent immigrants who are in constant revolt and won’t have anything to do with grammar or philosophy. The pupils are often insulting and aggressive, and they see only one thing: they are excluded from French society, which refuses them true integration, i.e. acceptance in the workplace. Thus, for many, it is easy to become delinquent and join gangs at the age of 14 or 15. To all that an identity crisis has been added. It has been exacerbated by the 9/11 attacks, Bush's war on Evil, a prevailing Islamophobia, and then the social and political issue of girls' wearing the veil at school. The lack of a true social base, the lack of education, the feeling of exclusion and inequality are a social Molotov cocktail. The siren call of a number of unorthodox imams has done the rest. In that context, only a spark was needed to ignite everything. And on that score one thing must be said clearly: Sarkozy is largely responsible for it. A political representative cannot talk about “scum” or water cannons or “street cleaning” as he has! I think one must make a sharp distinction between the delinquents that are at work now and many of the young people of the housing projects who are also fighting for survival and who have felt violently attacked by his words. It's a very dangerous mixture that has only thrown gasoline on the fire. One other thing: I was talking yesterday with a friend of my father's, a former police chief. He told me that with Sarkozy a new generation of policemen has arisen. They are extremely tough, racist and violent, and their byword is “repression, repression, repression.” They are, on average, young, inexperienced, and driven by fear. I do not think that explains how they treat young people. For example, a report in Le Monde refers to Samir, of Clichy-sous-Bois, who can't take the widespread identity checks any more; they are always within an inch of going bad. “I was running away from the tear gas, and when I told them I was a community representative at city hall, they said, 'Shut up. We don't want to hear it.' They put me on the ground and searched me. At no time did they ask for my papers.” Mohammed: “The cops of the BAC [Anti-Crime Brigade] always resort to force. They say, ‘ragheads’ and ‘fuck all you niggers’. The police around here are a new sort. For an everyday identity check, they insult you. [...] The cops said to me, ‘Why don’t you stay in your garbage can?’” What are Sarko’s intentions? They’re clear: play the line of Le Pen and win the 2007 presidential election; that’s it. On one hand, Sarkozy is an unbelievable populist. He wants to authorize foreigners to vote in local elections; he talks about reverse discrimination (that is, a quota that would require businesses to hire young people from the immigrant population); he has said that “the Muslims of France must have their mosques and be completely free to live in their faith”; he has said that the law on the separation of religion and state must be changed, etc. Actually, though, Sarkozy has gone the route of force. How to most French people react to that? Many agree with Sarko’s methods. When you’ve worked for more than 15 years in a hairdresser’s shop, like that man seen on TV news last night, and the business goes up in smoke in one night, there is reason to feel hatred for “those little hooligans,” as he said. Little by little, hatred is growing on both sides. And yet it is high time that France and its government completely revise their integration policy. Integration must be a real equality of opportunity in school as well as in business. Integration must create living spaces worthy of the name. Integration must accept a mixed and diverse culture. Integration must be done with concrete action and not in empty words, as in the last thirty years. The entire Republic is in danger. Burning cars, schools and eating establishments is no small matter. It is precisely the symbols of wealth, knowledge and access to integration that are being burned. Repression will not suffice. Money must be invested in integration, a lot of money, and a dialogue must be established, because these young people are France, too. Unless they are exterminated, we will have to learn to live with them reponsibly, according to the principles of the Republic. Paule Libby |
Copyright © 2005 by Paule Libby
Translated by Don Webb